Loi Biodiversité et Opendata : quels enjeux ?
La loi pour la biodiversité, désormais votée par le parlement, prévoit -entre autre- un libre accès aux données naturalistes contenues dans les bases de données de l’Inventaire national du patrimoine naturel (INPN). Si cette décision est une bonne nouvelle du point de vue de la transparence et de la démocratie d’une part ; de la préservation du patrimoine naturel grâce à sa meilleure connaissance, d’autre part, elle suscite toutefois de nombreuses interrogations sur sa mise en œuvre.
Avec ses 3 millions de données de faune, de flores sauvages et d’habitats naturels, l’Inventaire national du patrimoine naturel (INPN) est la plus grosse base de données de ce type au niveau de notre pays. D’autant qu’elle est enrichie chaque jour par plus de 5000 données versées par plusieurs dizaines de contributeurs en France, auxquels s’ajouteront prochainement celles des maîtres d’ouvrage et des collectivités, au titre de la Loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Concrètement, chaque citoyen pourra ainsi avoir accès à l’intégralité de ces informations, librement consultables en ligne, ce qui « préfigure une forme « d’Open data pour la biodiversité » » comme le soulignait un article du Monde.
Des études d’impacts plus transparentes
Faut-il s’en réjouir ? Incontestablement, puisque cela aboutira à une démocratisation des données concernant la biodiversité des territoires. Une partie d’entre elles, notamment celles « récoltées » par les maîtres d’ouvrages privés ou publics, à l’occasion d’études d’impact avant la construction d’infrastructures n’étaient jusqu’à présent pas accessibles, ces derniers n’étant pas tenus de la rendre public. La loi permettra concrètement de valider ou d’invalider la pertinence des études menées par des structures spécialisées et diminuer le risque qu’elles dissimulent ou minimisent la découverte d’espèces protégées, pour ne pas remettre en cause les travaux.
Protéger les données sensibles
Mais cela offrira aussi aux bureaux d’études spécialisés une base de travail existante, ce qui est loin d’être négligeable, en termes de temps et de moyens à mettre en œuvre pour réaliser les études d’impacts. Les collectivités locales bénéficieront enfin d’une base existante pour réaliser les Atlas de la biodiversité des communes (ABC). La loi pourrait, de ce point de vue, donner un coup d’accélérateur à ce projet du ministère de l’Environnement, dont peu de communes et d’intercommunalités se sont emparées, faute de moyens financiers et humains suffisants. La mise à disposition publique des données permettra, enfin, de concevoir ou d’améliorer les outils de saisie ; de cartographie et de relevés biologiques existants, à l’image des produits développés par Natural Solutions.
Sauvegarder les espèces protégées
La mise en œuvre de la Loi pour la reconquête de la biodiversité, et en particulier son volet concernant la mise à disposition publique des données, suscite en revanche de nombreuses interrogations. Quid par exemple des données sensibles, concernant par exemple des espèces protégées ou bénéficiant d’un statut de conservation forte ? Trop de transparence aurait incontestablement un effet contreproductif, dans ce cas précis : des garde-fous restent encore à définir.
Harmoniser les modes de saisies naturalistes
La question des licences, liées à l’exploitation des futures données récoltées et consultables sur le site de l’INPN, reste également à déterminer. Idem pour la pérennité des entreprises dont le modèle économique est basé sur la récolte des données naturalistes : il devra être éclairci rapidement. Enfin, un dernier point -et pas des moindres- reste à régler : celui de l’interopérabilité des taxinomies et des protocoles de saisie, autrement dit la manière de récolter les datas sur le terrain. Leur harmonisation, entre bureaux d’études et associations naturalistes, devra nécessairement être étudiée pour garantir la fiabilité des futures informations contenues dans les bases de données de l’Inventaire national du patrimoine naturel.